jeudi 25 septembre 2008

La France.

* À force, j'accumule et je me demande ce qu'il faudrait pour que l'audiovisuel français, dominant essentiellement mais pas que, se botte un peu le cul. Je commence à connaître l'envers des décors, j'ai tâté du mainstream comme de l'art&essai, de l'UGC comme de la petite boîte obscure, j'ai dû toujours mal tomber.

* Plus ça va, plus la faute me semble incomber à la production, je n'arrive pas à voir les choses autrement, c'est tout de même le maillon décisif, celui qui décide de la potentielle mise en chantier, qui donne son feu vert, greenlightage qui sera suivi ensuite ou pas par le CNC, les chaînes, les Sofica et tout le tintouin, qui sont aussi coupables, bien sûr, puisqu'il arrive ce moment fatidique où ils valident et débloquent les fonds. Mais à la base, la force de proposition, elle vient des producteurs, qui portent leur projet donc doivent bien, d'une manière ou d'une autre, y croire.

* J'en discutais pas plus tard que tout à l'heure avec Jiko, moins au fait des mécanismes à l'oeuvre, et nous déprimions de conserve à feuilleter les potentielles cases dans lesquelles un de nos projets pourrait se faufiler. La grille des programmes, évidemment, nous est tombée des mains, il n'y avait rien à faire, rien à tenter, si on tentait ce truc, alors il faudrait s'adapter à cet autre truc, si on décidait de cette durée, alors on ne pourrait pas prétendre à... Et puis il y eut ce coup de fil à Noony, qui lui commence à être vacciné, ne s'effarouche plus, a compris, tente d'en faire son parti, et nous conseillait d'ajouter voix off ici, gimmicks là, noms connus partout. Il a raison, bien sûr, si on voulait que ledit projet soit viable, il fallait en passer par là, mais alors le projet n'était plus à nous, il se fondait dans la masse, se conformait, et l'envie d'en être de nous passer. Aucun producteur ne nous soutiendrait, ça ne vaudrait même pas la peine, pour aucun producteur, de perdre du temps à frapper aux portes avec un tel projet. Bien sûr, bien sûr, je le sais, commence à le savoir par cœur, m'y confronte sans cesse, voyez le post d'hier par exemple....

* Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il faut bien un moment où les chaînes ont besoin d'alimenter leurs tuyaux, et que si le panel de choix était plus ambitieux que l'auto-censure des producteurs l'autorise... Rêve, doux rêve, bien sûr, Jiko me demandait ce qui empêchait l'un ou l'autre des décideurs de tenter un truc, de temps en temps, de lancer un ballon d'essai, à perte, un peu comme les danseuses en édition. On peut accuser le système entier, mais alors rien ne bouge. Si j'en veux de plus en plus à la production française, c'est que je la trouve simplement, majoritairement, sans couille. Sans ambition. Sans exigence.

* Je me souviens d'une discussion pas très vieille avec CdZ, qui m'expliquait son besoin de critiques pour son travail, et que ce besoin était rarement satisfait, et que c'était dommage, que ça ne permettait pas de prendre du recul ; nécessité d'être réveillé, secoué, de manière constructive s'entend, bien sûr, d'être accompagné, qu'on demande mieux, qu'on nous demande le meilleur, de nous surpasser, de remettre l'ouvrage sur le métier.

* Autant il ne m'est pas simple de percer à jour les raisons du refus d'un producteur, ou d'un éditeur, ou de quelque commission, qui en général s'expliquent tellement peu, qui en général disent non et n'encouragent en rien ni même ne découragent, n'affichent pas leurs goûts, leurs envies, leur ligne, autant les bras peuvent m'en tomber quand je vois ce qu'on signe.

* Prenez l'exemple, et tant pis qu'il s'agisse de tirer sur l'ambulance, l'exemple du cinéma de genre à la française, territoire sinistré s'il en est. Comment Richard Grandpierre peut-il donner son blanc-seing à des machins comme Martyrs ou Dante 01? Qui, honnêtement, n'aurait pas pu deviner que les 7 millions d'euros de Dante 01 seraient gâchés dès lecture du projet? Qui a pris la peine d'au moins lire les dialogues à voix haute? Si quelqu'un l'a fait, alors il faut qu'il change de métier, on ne peut pas valider un truc pareil. Et quand bien même, qui a pris la peine de regarder les premiers rushes et de tirer la sonnette d'alarme? Entre ceux qui jouent comme des cochons et ceux qui font ce qu'ils peuvent avec le texte merdique qui leur est donné à se mettre en bouche, comment le mur vers lequel les acteurs fonçaient à toute blinde n'a-t-il pu être évité? Et qui a pris la peine de discuter de son projet de mise en scène avec Caro? Pas de ses effets visuels, qu'on s'entende bien. Pas de son production design, pas de ses maquillages, mais bien de sa mise en scène. La gratuité phénoménale du moindre des effets du film (et il y en a un sacré paquet) crève les yeux de quiconque jette un œil à quelque séquence que ce soit. Où était alors la production? Qu'est-ce qu'elle foutait?

* Ou bien faut-il dès lors supposer que les scénaristes français n'ont que de la merde à proposer (ceci dit, ayant fait office de lecteur chez UGC un temps, je dois bien avouer n'avoir rien croisé de bon, de tout le temps où j'y pointais...), et que c'est la moins odorante qui, de fait, a les honneurs. À partir de quand considère-t-on qu'un projet est passable? Et, de là, depuis quand "passable" suffit à une mise en production?

* Je sais bien qu'il y a des impératifs, que certains films doivent vite se monter et se financer pour rembourser l'échec du précédent, que pas mal de boîtes vivotent de cette manière, sur respirateur artificiel... Mais quelle indulgence! Et j'en ai vu autant chez les "petits", les "modestes", j'y ai vu une même... fainéantise? lâcheté? indolence? Je ne sais plus comment appeler ça. Ce projet est en réécriture depuis six mois et il n'est toujours pas bon? Oui, mais ça fait six mois! Tant pis!

* Je parle des autres, mais je peux aussi bien parler de moi, je pense que Passemerveille, par exemple, est entré en production beaucoup trop tôt, que l'écriture n'était pas achevée, et qu'on avait de la veine qu'il s'agissait d'un documentaire, que le tournage a permis de rattraper le coup, que le montage a pu se permettre de prendre son temps. Mais continue à m'être avis qu'avec une phase d'écriture mieux concertée, plus approfondie, plus longue, pas plus longue pour être plus longue, entendons-nous bien, je n'ai pas de durée adéquate à indiquer, la bonne durée c'est la bonne durée, que donc avec ce travail supplémentaire, on aurait évidemment pu mieux faire.

* Évidemment il n'est pas dur d'imaginer l'excès inverse, un excès de frilosité, un surverrouillage, on est bien d'accord, je suis pas stupide à ce point, ce à quoi j'aspire est évidemment dans un entre-deux salutaire. Et il n'y a bien sûr pas de formule magique qui soudainement rendrait tous les films meilleurs, il y a bien sûr quantité d'exemples de films écrits, tournés, montés, produits en un mot, à l'arrache, et sublimes malgré tout. Mais le cinéma français, lorsqu'il n'agit pas qu'en fonction de ses futurs annonceurs TV, a cette prétention de croire à ce mythe que tout type armé d'une caméra et d'une vague envie en est capable. La facilité dans ce débat étant bien sûr toujours de chier au visage de la Nouvelle Vague, qu'on accable de tous ces maux par commodité, sans pour autant tenter de soigner le mal dont on l'accuse d'être à l'origine. Qu'y peut la Nouvelle Vague si on l'a surestimée jusqu'à assimiler son héritage de traviole?

* Oui, bon, vous me direz que je mélange encore un peu tout, hein, mais c'est ma spécialité, ça.

7 commentaires:

Noony a dit…

Je répondrai sur les essais que doivent faire producteurs et télévisions.

Des essais, les chaînes en font. Assez souvent même. Je me souviens qu'il y a quelques années (et ça revient pas mal à la mode en ce moment avec Sarkozy), on disait : "Il faut mettre du théâtre en prime time sur le service public." Ce à quoi je souscris pas forcément, mais c'est de la culture, très bien. France 2 a donc diffusé le Cyrano de Bergerac avec Vuillermoz et mis en scène par Podalydès. Pièce magistrale s'il en est, couverte de molières et tout le tintouin.

Score d'audience au delà du pathétique, écrabouillé par la concurrence privée.

Par contre, lorsque France 2 diffuse la dernière pièce de boulevard avec Arditi et Muriel Robin, ça fait un carton.

Avec la télévision, il ne faut pas se leurrer. On parle d'un média de très grande masse pour lequel la marge de manoeuvre est particulièrement petite. Tu dis que tu en as soupé mais tu ne t'es jamais frotté aux chaines de télévisions. Sirté Baja était un très beau projet mais absolument pas taillé pour la télévision. Et pas seulement en France. On parle de sommes gigantesques engagées ici. Produire une série de 8 épisodes, bah c'est minimum 3 millions d'euros. On les sort pas pour la beauté de l'art (pas seulement en tout cas) : il faut que derrière le public suive. (sinon on fait du cinéma). Et mine de rien, les mecs qui bossent dans ces chaînes (les grosses) connaissent leur public et savent qu'aujourd'hui, avec la montée de la TNT, l'erreur est de moins en moins pardonnable.

On prend souvent les Etats Unis comme point de référence, et j'y consens malgré ce que les gens peuvent penser de moi : oui, les séries américaines sont plus réussies que les séries françaises. Mais aux US, y'a 300 millions d'habitants qui regardent en moyenne 4h30 la télévision par jour, avec dans ces 4h30, 1h30 de publicité. En France, on est 5 fois moins, on regarde 3h30 la télévision, avec 30 minutes de pub en moyenne. Faut faire le ratio et on a une idée de la puissance de l'un face à l'autre. Ce n'est évidemment pas la seule raison mais on est sur une piste.

Quant aux producteurs ciné, je pense que IHU te répondra mieux que moi.

GM a dit…

ah mais je pense que ton analyse est juste, d'ailleurs c'est bien ce que je répondais hier à Jiko, que personne n'a droit à l'erreur, donc que personne ne prend de risque.

Par contre, pour ce qui est de diffuser du théâtre à la TV, si c'est pas accompagné d'une réflexion sur comment filmer le théâtre, ça ne sert à rien, et ce n'est de toute façon pas de "culture à la tv" dont je parlais -- ça c'est trop casse-gueule. Je parlais de la production audiovisuelle, de fiction et de documentaire. Ou alors pour le théâtre, il faut faire ce que Treilhou fait avec la musique, et là on fait vraiment quelque chose, on ne fait pas de la captation sans idée... Ou bien on fait Stop Making Sense pour le théâtre, mais ça n'arrivera pas, pas en france en tout cas, parce que, justement, personne n'en ressent le besoin, que ce risque, personne n'a tout simplement besoin de le prendre. C'est ça, la fainéantise dont je causais...

Sinon, bien sûr la comparaison ave cles USA est impossible. Par contre, avec le Royaume-Uni...

Noony a dit…

Mais même parler de fainéantise me parait exagéré (à la limite, insultant) pour certains. Evidemment qu'il y a des producteurs pépères dans la télévision, c'est une évidence. Mais il y en a aussi qui se bougent le cul sévèrement (je t'en avais d'ailleurs présenté deux à l'époque de Sirté). Ce sont les chaînes qui sont difficiles à bouger. Il y a Canal+ qui tente des trucs mais les chaînes gratos sont un peu plus tranquillous. Je pense que les W9 et autre pourront beaucoup plus tenter lorsqu'elles grossiront un petit peu. Mais pour l'instant, elles n'en ont tout simplement pas les moyens.

La comparaison avec la grande bretagne est en effet plus judicieuse. Et sur la fiction, ils ont de belles réussites.

Mais désespérer ne sert à rien! Faut continuer à se battre.

GM a dit…

Ce qui est désespérant, justement, c'est de se dire que ce qui se fait en G-B ne se ferait pas en France.

Ihu a dit…

Déprimant.
On se croise pour en parler tous les trois un de ces jours ?

GM a dit…

Volontiers!

Noony a dit…

Of course.